les vautours dans le ciel indien c'est un spectacle assez courant et banal !et pourtant ...
le 2/8/2010 à 9h41 par Lily Montagnier
Qu'ils soient indiens, à tête blanche ou au long cou, plus de 99 % des vautours d’Inde ont disparu depuis 20 ans. Une extinction alarmante pour les scientifiques mais pas seulement. Eclairage.
L'Inde a perdu 99,7% de ses vautours en 20 ans
"Quand je suis venu en Inde il y a 20 ans, il y avait des vautours partout dans le ciel de Delhi". Arnaud, Français de 27 ans résidant à New Delhi, se souvient parfaitement avoir été fasciné, petit garçon, par tous ces vautours dans le ciel de la capitale indienne. Aujourd'hui, il vit ici et c'est à peine s'il en voit un par semaine. Et pour cause, il y a 20 ans il y en avait environ 40 millions en Inde quand aujourd'hui leur nombre frôle difficilement les 60.000. Un constat qui pourrait se dégrader davantage dans les dix années à venir si rien n'était fait tout de suite.
Heureusement une équipe regroupant des chercheurs indiens, américains et britanniques ont débuté un projet d'ampleur: ouvrir sept centres de réhabilitation pour les vautours dans plusieurs Etats pour y réintroduire 3 des espèces les plus touchées. Trois sont déjà ouverts aujourd'hui : deux au Bengale occidental et un dans l'Haryana. Pourquoi un tel projet ? Parce que l'élevage en captivité est la seule solution pour conserver ces charognards. Cela évite notamment que les vautours aillent dépecer une carcasse de vache morte bourré d'anti-inflammatoire mortel pour eux. Parce qu'en effet leur extinction porte un nom: Diclofenac. Un anti-inflammatoire donné aux vaches et auquel les vautours n'ont pas résisté.
Est-ce la seule raison de cette disparition massive? "C'est la seule et unique cause" insiste le Dr Vibhu Prakash, membre du Bombay Natural History Society (BNHS). "Dans nos centres 75 personnes sont chargées d'effectuer des analyses sur les vautours morts et toutes montrent une présence importante de ce médicament, la corrélation est très forte". Une corrélation qui a poussé le gouvernement à interdire la prescription de ce médicament à tous les vétérinaires du pays depuis 2006. « Mais la formule est toujours en vente libre pour les hommes. Dans notre pays le contrôle laisse tellement à désirer que les vétérinaires continuent de l'utiliser. Elle a pourtant les même effets et donc les mêmes conséquences néfastes », précise le spécialiste.
Mais quels effets collatéraux pour les hommes si ce n'est qu'ils ne pourront plus observer ces oiseaux mi-fascinants mi-effrayants voler au-dessus de leurs têtes? Outre la fracture d'un éco-système inhérente à toute disparition d'une espèce, l'extinction des vautours impacterait jusque dans la sphère religieuse. La communauté des Pârsis, dont les deux tiers vivent aujourd'hui à Bombay, voit en effet un de ses deux principaux piliers menacés.
Le parsisme, ancienne religion monothéiste venue d'Iran et dérivée du zoroastrisme perçoit la crémation et l'inhumation comme souillant les corps. Contrairement aux hindous, les pârsis disposent donc les corps des défunts sur les toits afin qu'ils y soient dépecés par les vautours et y sèchent au soleil. Quel avenir pour un tel rite qui permet de conduire l'âme directement au ciel, si les vautours ne sont plus assez nombreux pour permettre cette ascension? Vispy Wadia, responsable de l'Association pour le regain du Zoroastrisme explique que les Pârsis ont désormais recours à des panneaux solaires et des sortes de bulles de verre pour que les rayons atteignent plus facilement les corps. "Mais ces panneaux sont faits pour le Sahara, nous n'avons pas ces températures à Bombay, les corps ne font que pourrir, rien d'autre".
Un comble quand on sait qu'un vautour n'a pas besoin de plus de 45 minutes pour venir à bout d'un corps humain.Un drame aussi pour la communauté pârsie déjà touchée par un déclin important. Le parsisme a été la première religion monothéiste de masse. Ses fidèles seraient désormais environ 60000. Comme les vautours. Une triste coïncidence.